PEUT-ON êTRE BIO & VéGANE ?
L'essor des produits cosmétiques véganes, même s'ils sont certifiés bio, soulève des questions sur la véritable pertinence d’association entre les principes véganes et biologiques.
L'agriculture biologique repose sur des méthodes qui valorisent le bien-être animal et l'environnement, notamment grâce à des pratiques issues directement de l’élevage.
Nous vous proposons ici de comprendre pour quelles raisons il ne semble pas possible de concilier les deux.
Agriculture Biologique : Définition
L'agriculture biologique est un système global de production agricole qui allie les meilleures pratiques environnementales, le respect de la biodiversité, la préservation des ressources naturelles et l'application de normes élevées en matière de bien-être animal[1]
Fertilisants organiques : nourrir le sol plutôt que la plante.
Parmi les meilleures pratiques environnementales, la fertilisation, réalisée avec des matières organiques directement issues de la ferme comme le lisier, le fumier, le compost, etc., permet des rendements sans recourir à la chimie. Ces fertilisants issus de l’élevage améliorent la structure des terres en augmentant la quantité de matière organique et en stimulant l'activité des micro-organismes du sol.
Riches en éléments essentiels pour les plantes, tels que l'azote, le phosphore et la potasse, ces matériaux restent dans le sol et ajoutent progressivement de l'humus au fil des ans. L'action graduelle des bactéries libère les nutriments nécessaires aux plantes de manière lente et constante, assurant ainsi une alimentation du sol sur plusieurs mois.
Composés uniquement de matières naturelles, ces fertilisants sont plus respectueux de l'environnement que leurs homologues chimiques, offrant une méthode saine de fertilisation.
Quelques autres synergies animales végétales en Bio
1
Pollinisation
Les animaux, en particulier les insectes comme les abeilles, jouent un rôle essentiel dans la pollinisation des plantes. Sans cette pollinisation, de nombreuses cultures ne seraient pas productives.
2
Contrôle des parasites
Certaines espèces animales peuvent aider à contrôler les populations d'insectes nuisibles. Par exemple, Les coccinelles sont des ennemis naturels des pucerons. Les coccinelles adultes sont des prédateurs voraces, une seule peut manger une soixantaine de pucerons chaque jour.
3
Gestion des mauvaises herbes
Certains animaux, comme les chèvres, sont connus pour consommer des plantes que d'autres animauxévitent. Elles aiment gratter le sol, ce qui aider à détacher les mauvaises herbes et à les empêcher de repousser. Elles peuvent donc être utilisés pour contrôler certaines mauvaises herbes.
4
Aération du sol
Certains animaux, comme les vers de terre et les insectes du sol, contribuent à l'aération du sol et à la décomposition des matières organiques, favorisant la croissance des plantes.
5
Rotation des cultures et pâturage
Dans une ferme mixte, où l'élevage et la culture sont pratiqués, les animaux peuvent paître sur les terres après la récolte, consommant les résidus de culture et en même temps fertilisant le sol avec leurs déjections. Cela prépare le sol pour la prochaine saison de croissance.
6
Biodiversité
Le maintien d'une diversité d'animaux et de plantes aide à promouvoir un système agricole résilient. Par exemple, c’est grâce à l’agriculture que se forme la biodiversité des territoires. Les troupeaux qui pâturent alimentent tout un écosystème local : les insectes qui se nourrissent du fumier, le fumier qui enrichit la terre, les oiseaux qui se nourrissent des insectes, les haies qui abrite de petits mammifères, etc.
L’ÉLEVAGE EST CRUCIAL EN AGRICULTURE BIO : Il lui permet de créer un cycle vertueux tout en se passant de la chimie industrielle et du pétrole. ~~~~~
Que propose l’idéologie végane ?
Il faut tout de même rappeler que le mouvement végane représente environ 0,3 % de la population selon les enquêtes de consommation[3]. Et ce que le véganisme prône en remplacement de ces pratiques agricoles ancestrales, c'est l'utilisation d'engrais chimiques, de phytosanitaires, d’herbicides et sans oublier les OGM !Même si des recherches existent concernant l'usage d'excréments humains ou de compost végétal, elles n'ont pas encore abouti à des succès jusqu'à présent puisqu'une seule exploitation en France se revendique comme végane, et c'est un viticulteur ; cela en dit long sur les alternatives véganes proposées.Cette préférence pour le chimique au lieu du naturel n'est pas particulièrement surprenante, notamment chez des personnes qui consomment souvent des produits ultra-transformés tels que des nuggets de blé ou des steaks de soja.
Une cosmétique bio nouvelle génération
Dans un article de presse en mai 2022, le journal « Le Parisien » met en avant 10 nouvelles marques bio écoresponsables à suivre. Parmi ces 10 marques, 8 se revendiquent comme véganes.
Alors, qu'est-ce qui pousse ces marques de cosmétiques certifiés bio à se revendiquer véganes ?
Il paraît pour le moins incompatible d'adhérer au principe de l'agriculture biologique par un effort de certification de ses produits et en même temps de rejeter une partie de sa production qui lui est pourtant indispensable pour exister.
Voyons cela !
Végane & bien-être animal
Ce qui pousse, ces marques de cosmétiques bio à se revendiquer véganes, n'est pas tant la remise en cause de l'élevage, qu'exige pourtant le véganisme, mais plutôt la cause du bien-être animal. Avec un simple mot de 6 lettres [VEGANE], tout est dit. Et en marketing, ça vaut de l'or ! Cela veut dire : je peux tranquillement utiliser ce soin, puisqu'il est végane, je suis certain qu'aucun mal n'a été fait à l'animal, car il n'y a rien qui est issu de l'animal. Seulement, en optant pour cette approche simplifiée et facilement compréhensible, est-ce que cela fait véritablement avancer la cause du bien-être animal ?
Rappelons que plus de 80 % des animaux élevés en France sont issus d'élevages intensifs. Si l'on ne valorise pas les bonnes pratiques de l'agriculture bio en ne maximisant pas ses produits, alors à quoi bon élever autrement qu'en intensif, avec les dérives que cela comporte pour l'animal ?
Et une des choses qui fait obstacle aux exploitations agricoles ayant fait le choix de l'agriculture biologique, ce sont les attaques du monde végane qui ont conduit, semble-t-il, un certain nombre de marques de cosmétique et même un certain label à revendiquer une utilisation moindre, voire à ne plus vouloir utiliser des ingrédients d'origine animale dans des formules revendiquées 100 % véganes, alors même qu'elles prônent le bio, la nature et le respect de l'environnement.
En effet, plus de glycérine d'origine bovine ou porcine, plus de kératine issue des plumes de volaille, plus de lanoline issue de la laine, plus de protéine de lait et de graisse de lait, plus d'œuf, bien sûr plus de bave d'escargot, et bientôt plus de produits de la ruche, bien que ces derniers soient encore assez bien acceptés.
Mais mettre tous les ingrédients cosmétiques issus de l'animal sur un même pied d'égalité, et c'est ce que fait le terme VEGANE en cosmétique, c'est ne pas favoriser le bien-être animal.
Alors pourquoi !
Valoriser c’est aussi respecter
Si tous ces ingrédients cités plus haut étaient utilisés uniquement en provenance de l'Agriculture Bio, là où les animaux sont élevés dans des conditions optimales à leur bien-être [4][5], cela permettrait de rendre le label plus attractif car mieux rémunéré avec plus de débouchés.
En effet, si on permet à un exploitant agricole de mieux valoriser les produits de sa ferme, on lui permet de réduire son rendement et donc la pression exercée sur ses animaux et même sur les végétaux.
Patrice Lambert, notre héliciculteur dans la Drôme, nous donnes des réponses sur l’intérêts de valoriser des ingrédients d’origine animal dans le cycle d’une agriculture biologique.
Promouvoir une agriculture vertueuse et engagée
Jeter de la glycérine animale, issue d'un élevage bio français, pour acheter de la glycérine végétale bio produite à des milliers de kilomètres, ou même en France en lieu et place d'une parcelle qui pourrait être destinée à autre chose, n'est non seulement pas intéressant pour l'environnement, mais c'est aussi ne pas respecter l'animal qui a été prélevé pour nous nourrir, et c'est encore moins considérer le travail d'un agriculteur qui a fait bien des efforts pour respecter le cycle et les besoins naturels de son cheptel.
L’idée d’une agriculture vertueuse qui a besoin d’un minimum d'intrants et qui crée plus d’énergie qu’elle n’en consomme[6], passera inévitablement par l’utilisation de tous les ingrédients possibles.
Et peut-être, verrions-nous moins d'exploitants vendre leur lait bio en conventionnel faute de marché, tout en ayant sûrement la vertu de rendre la bio un peu plus accessible.
Bien sûr, il n'est pas question ici de cautionner la « Squalane » issue du foie de requin ou tous autres ingrédients qui contribueraient à des pratiques de souffrance, de surpêche ou d'élevage intensif.
Mais plutôt de promouvoir des produits issus d'exploitations exclusivement en agriculture bio, qui sont contrôlés chaque année pour s’assurer que les principes sont bien respectés.
La voie vers la raison
la meilleure façon de rendre l'agriculture biologique plus attractive, c’est bien sûr de la soutenir, et se revendiquer Végane en cosmétique ne le l’aide pas, mais c’est aussi lui offrir des marchés rémunérateurs dans un secteur, qui est rappelons-le, un des marchés ou la France est leadeur mondial. Il sera alors, sûrement plus facile de convertir d’autres agriculteurs et de pérenniser la filière. Nous voyons aujourd'hui plutôt le contraire, faute de débouchés, certaines exploitations bio retournent en conventionnel. Et je ne pense pas que ce soit une avancée pour le bien-être animal. Qu’en pensez-vous ?
Sources :
[1] : agriculture.gouv.fr
[2] : agencebio.org
[3] : franceagrimer.fr
[4] : agencebio.org
[5] : Le fondateur de l'association L214, Sébastien Arsac, estime que si tous les élevages étaient certifiés bio, le problème du bien-être animal serait résolu. (Source : Podcast France Inter - Le véganisme est-il un nouvel intégrisme ?)
[6] : Quand on mesure le rapport entre la quantité de calories produites et celle dépensée pour les produire, on constate que le rendement des élevages hors-sol est de 1 % [il faut consommer 100 cal pour en produire 1], que celui sur les prairies artificielles approche de 100 % [1 cal pour 1], alors que celui des élevages extensifs comme le mien avoisine les 200 % [1 cal dépensée donne 2 cal potentielles]. » Extrait de :La cause végane Laurent Chevallier & Frédéric Denhez